mardi, janvier 30, 2007

KRAUTROCK FOR BEGINNERS, V/A Vol.2 - "DARK SIDE OF THE KRAUT"


Une part non négligeable de la production "rock allemand" de l'époque est marqué par son aspect méditatif, ou parfois plus agité, mais sombre, caverneux, c'est cet aspect qu'on va dévoiler ici, avec des groupes le plus souvent très en marge du krautrock à la mode tel qu'on le présente encore aujourd'hui (et qu'on verra dans les compilations à venir). Les groupes dont il s'agira étonnent par le sérieux avec lequel il intègrent la cause rock psyché. En certains d'entre eux, on a même envie de voir les précurseurs du Goth Rock du début 80s, mais les Goths eux, vous diront que ça n'a rien à voir - à la rigueur tant mieux.

SAND : Helicopter (Ultrasonic Seraphim - 1974)
Groupe à l'album unique sous ce nom (ils reviendront quelques années dans la nouvelle vague allemande pour offrir un rock indus froid à la Cabaret Voltaire, sous le nom de code ALU). Album unique, et magique, qu'il faut absolument posséder (la ré-édition CD offre une deuxième galette avec des titres tout aussi intéressants, et des prises alternatives presque meilleures parfois). C'est très ambiant, avec un son rock très organique teinté de folk, les titres se développent avec un sens de la narration certain, et, ce qui n'est pas si rare à l'époque mais ici pleinement revendiqué, s'étirent plus que de raison : le groupe conteste à sa manière les notions de rentabilité et de productivité qu'il percevait comme de plus en plus prégnante dans les sociétés occidentales, la provocation n'étaient pas encore dans un punk hurlé, mais dans la retenue des notes, la répétition des motifs. Contre les formats radio, en somme. "Calme-toi, arrête tout, écoute", semblent nous dire leurs compositions. Pour finir, c'est évidemment assez dark, genre "brûlé vif dans le désert les yeux ouverts happés par le soleil". Et en effet, on en sort presque aveugle...

KALACAKRA : Jaceline (Crawling to Lhassa - 1972)
Auteurs d'un unique album étrange, très underground et parfaitement home made, incantatoire, peu mélodiques (y'a-t-il de vrais instruments? Rien n'est moins sûr...), certains titres allant vers des formes de transes (en cercle autour d'un feu païen?). Très personnel et plutôt nécessaire. Là encore on ne rigole pas beaucoup, mais on détecte une forme d'humour quand même.

NECRONOMICON : In memoriam (Tips Zum Selbstmord - 1972)
Changement de cap : le prog rock s'incruste dans ces lignes, tendance "pré-goth". Les tous premiers groupes de la "deuxième vague kraut" offrent une interprétation décadente du mouvement. Totalement underground et dispensable, il m'a semblé intéressant de glisser un de leurs titres ici, pour montrer certaines extrémités du mouvement - captivantes si on accepte les outrances auxquelles ils s'autorisent. C'est le seul album du groupe, autoproduit et ça s'entend. Ce qui fait le plus mal : le sur-mixage des voix, chantées dans un allemand agressif.

TANGERINE DREAM : Ultima Thule (S/T - 1972?)
LE nom le plus célèbre du mouvement, connu pour ses tripotées de disques New-Age et de mauvais goût. Jusqu'en 74 pourtant, l'intégralité de leurs disques est très recommandée, entre rock pré-indus décadent et explorations atonales de 20 minutes (l'album ZEIT est un chef d'oeuvre de drones minimalistes où des sons inquiétants flottent sans fin) . Ici, un bout de single rarissime de 72/73, sombre à l'envie, où les stridences s'extirpant de la brume font paradoxalement notre plus grand bonheur. Le groupe à son sommet.

PATER NOSTER : Stop these lines (S/T - 1971)
A nouveau de l'underground pur et dur, album unique de 1970, et c'est bien dommage. Bien composé, une belle unité sonore et en même temps des compositions plutôt variées et aux harmonies riches. Ecoutez cette voix d'outre tombe, comme sur une bande au ralenti : on doit être en présence d'un des tous premiers initiateurs des voix dark à la Sisters of Mercy. Ce qui donne une tonalité toute caractéristique au projet.

SIDDHARTA : Looking in the past (Weltshmerz)
Commentaire idem à Necronomicon, mais cette fois on est vraiment dans la "deuxième vague", avec cette façon de digérer les récents aînés : on part dans tous les sens. Outrance ridicule ou géniale, c'est selon. Et tout l'unique album est comme ça. Un peu trop prog rock pour le commun des mortels, mais ça passe. Il faut admettre qu'on doit s'ouvrir l'esprit pour accepter les envolées tragico-lyriques qui s'invitent toutes les 45 secondes, et oublier les séquences de caricature prog-rock. Le plaisir n'en sera que plus grand.

DOM : Edge of time (Edge of time - 1971)
Dark ambiant par excellence, cet unique album est remarquable de finesse dans le mix folk / ambiances synthétiques vaporeuses. A rapprocher de SAND, avec une touche de KALACAKRA, mais en plus obscur et mystique. L'album est considéré à juste titre comme un classique, indispensable, dont le seul défaut serait peut-être la constance, les titres offrant trop peu de différences entre eux, au contraire de SAND.

FAUST : No Harm (So Far - 1972)
Un des groupes phare ayant survécu, encore vaguement dans le coup, à l'image de CAN mais dans un genre différent, dadaïste, dans lequel se succèdent des séquences noise, planantes, rock, folk, bref un peu de tout. Il est difficile d'en rendre compte par un extrait unique. A mon goût les groupe reste très surestimé, même si tous ses albums valent le détour (on commencera par FAUST IV).
PS : le cut abrupt de la fin de cet extrait s'enchaîne avec le titre de TEMPLE ci-après, dans une "compil idéale".

TEMPLE : Black light (S/T - 1975)
Groupe de la "seconde vague " encore ayant produit un unique et obscurissime album, parfois grotesque (en raison principalement d'une voix masculine, ici absente, mais du plus mauvais effet sur d'autres titres) mais en fait assez bon mélodiquement. Les ficelles sont un peu grosses : alternances de passages lents, harmonieux, mélodiques, et de séquences plus rapides, proto-metal (mais alors de loin...). C'est un album mineur, mais que tout curieux du kraut se doit de tenter. Enfin, il faut avoir lu les crédits pour percevoir la démesure kraut : Poseidon au chant, Zeus au Moog et Mellotron... C'est pour rire?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Excellente Idée, ces compiles. Je fais plutôt partie des "initiés" de longue date, mais j'aurais aimé avoir un guide dans le genre il y a quinze ans.

Je ne partage pas nécessairement tous tes parti-pris (j'adore Faust et les quatre premiers Can), mais la subjectivité esthétique bien affirmée est une qualité. Heureusement que tout le monde n'a pas les mêmes goûts, non?

En ce qui concerne la filiation entre krautrock et gothique, je suis entièrement d'accord. Les gothiques qui disent que ça n'a rien à voir devraient justement écouter ces morceaux. Et aussi "Darkness: Flowers Must Die" d'Ash Ra Tempel et certains morceaux d'Amon Düül II. L'album de Sand est un chef d'oeuvre. Pas étonnant qu'il ait été réédité par David Tibet.

Le krautrock a énormément influencé des gens comme David Bowie (période berlinoise) et Joy Division, qui sont des références incontournables pour tout gothique qui se respecte.
Sans parler de l'indus, qui doit énormément à Kluster, Faust ou Seesselberg.

On n'a pas fini de célébrer ces grands précurseurs.